Merveille

Peuples merveilleux (Livre des Merveilles de Marco Polo)
Sens contextuel (Le Conte du Graal, vers 1827)
     Le substantif mervoille est ici au cas régime singulier. Notons son orthographe particulière, graphie dialectale de l'Est correspondant au français commun merveille. Par un phénomène d'agglutination, notre occurrence se retrouve soudée à pass - qui a ici le rôle d'un superlatif - et devient alors un substantif masculin ; elle signifie alors "chose extraordinaire, qui est au dessus du merveilleux". La demoiselle de notre extrait nous est donc décrite comme "la plus belle créature de Dieu qui soit", sa beauté dépassant quasiment l'entendement.

Etymon
     Le nom vient d'un pluriel neutre *mirabilia qui signifie "choses étonnantes, admirables"et qui se trouve altéré par le latin du Nord de la Gaule en *miribilia par l'assimilation de l'a aux deux i qui l'entourent. Ce nom est dérivé du verbe mirari, "contempler" puis "s'étonner".

Ancien français
     Le mot est attesté vers 1050. C'est le phénomène aussi bien splendide que terrible qui provoque l'étonnement, l'admiration ou la crainte ; c'est le prodige ou le miracle inexplicable. Le nom va entrer dans un certain nombre de locutions verbales ou adverbiales ; dans ces emplois il peut prendre un -s adverbial. Voici un exemple : c'est merveilles signifie "c'est stupéfiant".

Vers le français moderne
     le sens étymologique courant en ancien français se trouve aujourd'hui vieilli. On le retrouve pourtant dans le titre de certains ouvrages littéraires, tels Le Livre des Merveilles de Marco Polo et Alice au pays des Merveilles de Lewis Caroll, ainsi que dans certaines expressions comme promettre monts et merveilles, à traduire par "promettre des choses extraordinaires perçues comme irréalisables".
     Le sens moderne apparaissant au XVIe siècle est plus restreint. Merveille peut alors être une chose qui suscite une très grande admiration (Les sept merveilles du monde), ce qui est très bien, agréable, séduisant (faire merveille, se porter à merveille) une catégorie du fantastique en littérature (le merveilleux) ou bien un beignet de pâte frite découpée.

Paradigme morphologique
     Se situent dans le paradigme morphologique de merveille : l'adjectif merveilleux, qui sera employé pour désigner une catégorie littéraire, le verbe émerveiller et le nom émerveillement, tous deux présents dès le XIIe siècle et toujours utilisés actuellement. Mirer, miroir et miroiter ne sont plus guère sentis comme étant de la même famille.

Paradigme sémantique
     Le champ lexical de merveille regroupe tout ce qui relève du merveilleux chrétien (miracle), du merveilleux lié aux phénomènes naturels, des enchantements et de la magie.


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Auteur : G. Pascault