le passé simple

Introduction :
- Il va y avoir une hésitation entre deux appellations : le parfait / le passé simple
La dénomination traditionnelle retenue par beaucoup de grammaires est celle de parfait, marquant l’opposition entre l’accompli et l’inaccompli. Or dans les formes françaises issues du parfait latin, le trait dominant est celui du « passé », il est donc préférable de retenir plutôt la dénomination de passé simple, en opposition au passé composé.le passé simple provient du perfectum latin (qui s'opposait à l’infectum)
- En ancien français, le passé simple est donc un temps héréditaire du latin classique, et ce, aussi bien dans ses emplois comme dans sa forme. Au parfait latin, les verbes avaient un radical spécifique et suivaient un mode de formation également spécifique où seules les désinences étaient communes.
rappel des désinences latines : i, isti, it, imus, istis, erunt 
Ex : amav-i, amav-isti, amav-it, amav-imus, amav-istis, amav-erunt
Elles sont restées à peu de chose près les mêmes en ancien français.
Le parfait latin présente une alternance de formes fortes, c’est-à-dire accentuées dur la base verbale, et de formes faibles, c’est-à-dire accentuées sur la désinence. Ainsi, les accents dans le cas du verbe aimer sur la base verbale pour P1, P3, P4 et P6 / sur la désinence pour P2 et P5. 
- Nécessité en ancien français de distinguer deux grands groupes de passés : 
les passés faibles, à base faible et invariable (puisque l’accent portait toujours sur la désinence) et les passés forts, présentant une alternance de deux bases (une faible et une forte) spécifiques.
















1)  les passés faibles

La structure est la suivante : B1 faible + morphème temporel -a- / -i- / -u- + morphème de personne. Il faut donc distinguer trois types de passés faibles, en fonction du morphème temporel.

-> Les passés faibles en -a-

Tous les verbes du premier groupe (en -er/-ier) suivent ce type de conjugaison, qui est déjà à peu de chose près celui du FM. On notera qu’à la P6 le morphème temporal -a- (formant une diphtongue de coalescence en P1 et entravé aux autres personnes) a diphtongué, aboutissant phonétiquement à -e- ou -ie- lorsqu’il est précédé d’une consonne palatale (effet de Bartsch).



-> Les passés faibles en -i-
o Ce type concerne tous les verbes en -ir sauf :
morir, corir / corre 
(passé faibles en -u-)
occir, tenir et venir 
(passé forts en –i-)
gesir, loisir, nuisir, plaisir / plairetaisir 
(passés fort sen –u-).
o Appartiennent également à ce type d’autres verbes courants comme descendre, perdre, battre, cheoir etc. 


Pour ces derniers (reconnaissables le plus souvent à leur radical se terminant par une dentale), leur conjugaison procédait au départ d’un autre type faible qui ne se distinguait du type en -i- que par le morphème temporel -ie- aux P3 et P6 (d’où les formes respondié et respondierent pour respondre par exemple) ; mais dès l’ancien français ces formes spécifiques ont été alignées sur le type en -i- (d’où respondi et respondirent).

-> Les passés faibles en -u-
Ils constituent un type peu réprésenté en AF. Il s'agit des verbes en -ir non inchoatifs, en -oir ou en -re. 
Quelques verbes seulement sont concernés, tels:
corir / corre (et son composé secorir
- morir
- chaloir, doloir, paroir, soloir, valoir
- criembre, moldre auxquels il est possible d’adjoindre estre.



2)     les passés (semi-)forts

 Comme les présents de l’indicatif, les passés forts connaissent une alternance de bases (B5 et B6, toutes deux spécifiques au passé simple) due à des questions d’accentuation. On trouve ainsi aux P1, P3 et P6 une B5 forte accentuée et aux P2, P4 et P5 une B6 faible non accentuée (c’est le morphème temporal qui porte l’accent). Quant aux désinences, elles sont quasiment identiques à celles des passés faibles, d’où la structure suivante pour les deux grands catégories de passés forts :

-> les passés (semi-)forts en -i- simples
Les verbes concernés sont au nombre de cinq, auxquels il faut rajouter leurs dérivés :


- veoir
- venir
- tenir
- l'un des paradigmes de voloir
- faire



Remarques :
1) de manière générale P1 est caractérisée par une absence de morphème. Cependant, dialectalement, on y rencontre également les morphèmes -c et -g. (ex : jeo ving / tinc)
2) à P6, on peut noter la présence d'une consonne dentale épenthétique -d- , donnant naissance à une variante combinatoire de la B5 (venir > vind-, tenir > tind-, voloir > vold-)

-> les passés (semi-)forts en -i- sigmatiques*
Sur le modèle de dire se conjuguent un grand nombre de verbes du 3e groupe. Leur base inclut un -s- aux 6 personnes.
- alternance principale en -is- / -esi- 
Ex : faire, metre, prendre, seoir, querre
- alternance + rare en -mes- / -mansi- 
Ex : manoir
- alternance non vocalique -s- / -si-
Ex : plaindre, traire, voloir (vous / vousis), ars, joindre


Remarques :
1) l'alternance de bases peut être d'ordre syllabique et vocalique (-is- / -esi- ; -mes- / -mansi-) ou n'être que d'ordre syllabique (-s- / -si-)
2) à noter certains phénomènes d'épenthèse* (ex : disTrent, plainsTrent)
3) à P2, P4 et P5, le -s- intervocalique précédé de [e] tend à s'effacer dans le courant du XIIe siècle, amenant la création d'un hiatus (desis > deïs). Bien que les deux formes soient en concurrence au XIIIe siècle, on constate cependant que le hiatus ainsi obtenu commence à se réduire par effacement du [e] (deïs > dis)


-> Les passés (semi-)forts en -u-

Ces verbes se répartissent en deux catégories, selon l'alternance vocalique qu'ils offrent :
- alternance en -o- / -eü- : concerne un petit nombre de verbe mais très fréquents
Ex : avoir, pooir, paistre, plaisir / plaire, taisir / taire, savoir ...
- alternance en -u- / -eü- : concerne un groupe de verbes un peu plus important
Ex : devoir, movoir, aperçoivre, deçoivre, reçoivre, boivre, connoistre, croire, croistre, devoir, ester, gesir, lire, movoir, nuisir, ramentevoir, estovoir, 
loisir, plovoir ... 
Remarques :
1) Comme pour les passés forts en -i-, les hiatus des P2, P4 et P5 commencent à se réduire dès le XIIIe siècle. La graphie garde dans un premier temps le -e- (tu eüs / peüs), mais à partir du moyen français, seul avoir conserve ce graphème (tu eus / pus). Enfin, par analogie, la base réduite en [ü] se généralise à toutes les personnes (jeo oi > j'eus).
2) à partir du XIIIe siècle, la P1 commence à recevoir un -s final (jeo ois).

3)     le passé archifort : estre
Le verbe estre se conjugue de la manière suivante (cf. tableau). 
On remarque que le passé simple de estre est accentué sur le -u- à toutes les personnes.

Ce paradigme pose un problème de classement :
- si l'on choisi de voir le -u- comme un morphème temporel, il peut être classé parmi les passés faibles en -u- type morir.
- si, au contraire, on considère que le -u- fait partie du radical, estre est à classer parmi les passés forts.
- il reste un cas atypique dans le sens où il ne connait pas d'alternance de base (d'où le terme "archifort").


Remarques : 
1) à partir de la fin du XIIIe siècle est réintroduit progressivement un -t final à P3. 
2) à la même époque, un -s final est adjoint à P1. 


Conclusion : vers le français moderne:


A partir du moyen français la tendance, pur les désinences comme pour les radicaux - est à la simplification et à l'unification des paradigmes, tantôt sur la base forte, tantôt sur la base faible. 



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Auteur : G. Pascault
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